Entre la rue Notre-Dame et le fleuve, à l’ouest du boulevard Pie-IX, se trouve une grande raffinerie de sucre installée à cet endroit depuis 1887. Par le fleuve, cette entreprise reçoit le sucre brut en provenance des pays tropicaux, et le quai Sutherland (à gauche dans la photo ci-dessous) a été construit en 1889 pour la desservir. Elle s’appelle aujourd’hui Lantic, mais pendant près de cent ans, jusqu’en 1984, on l’a connue sous le nom de St. Lawrence Sugar Refinery.
Le bâtiment de brique brun foncé, à gauche dans la photo ci-dessous, est l’un des bâtiments d’origine construits en 1887.
Ce bâtiment de sept étages est construit à la façon de 1887 : la structure est faite de bois et les murs de brique sont des murs porteurs. Ayant à soutenir le poids des étages supérieurs, les murs ont 28 pouces à la base; ils s’amincissent en montant, n’ayant plus que 16 pouces au 7e étage. Des tirants de métal les empêchent de bomber.
À propos des bâtiments du site, l’Évaluation du patrimoine urbain de la Ville de Montréal, publié en 2005, nous dit ceci :
« L’usine comprend de nombreux bâtiments de part et d’autre de la rue Notre-Dame : un entrepôt de sucre brut sur un quai du côté du fleuve, la tour de filtrage et la raffinerie entourées d’entrepôts de sucre raffiné à l’ouest et un espace d’entreposage du charbon à l’est. À l’ouest de l’avenue Jeanne-d’Arc, du côté nord de la rue Notre- Dame, se trouve encore aujourd’hui la tonnellerie construite en 1887, sise au 3967, rue Notre-Dame Est » (p. 42).
Mais il y a eu des changements depuis 2005, la tonnellerie ayant été partiellement démolie par le ministère des Transports du Québec en 2012. Comment se fait-il que l’État détruise un bâtiment patrimonial ? Selon le Ministère, c’est parce qu’il risquait de s’effondrer; selon certains critiques, c’est parce que le Ministère veut éliminer tout ce qui pourrait faire obstacle à son projet d’autoroute.
En guise de consolation, le Ministère nous fait remarquer que la cheminée a été conservée.
Histoire
Mais revenons à l’histoire de la St. Lawrence Sugar. L’entreprise a fait partie de l’essor industriel de la ville de Maisonneuve à la fin du 19e siècle. Elle a bénéficié d’une exemption de taxes de vingt ans offerte par la Ville de Maisonneuve en 1887, ainsi que de la construction du quai Sutherland en 1889 et d’une voie ferrée de service en 1896. Avec près de 500 travailleurs, elle était le plus gros employeur de Maisonneuve au début du 20e siècle. Comme la Canadian Vickers située à la limite est de Maisonneuve, et à la différence des autres usines de la municipalité, la St. Lawrence Sugar était une entreprise qui agissait à l’échelle internationale. En 1906 elle fournissait le quart de la production de sucre du Canada : 1 600 barils de sucre par jour, exportés vers le reste du Canada et l’Europe.
Aujourd’hui
Si Montréal a perdu la raffinerie de sucre Redpath, qui a quitté les abords du canal Lachine en 1979, la raffinerie St. Lawrence, elle, est toujours en activité. Elle s’appelle Lantic depuis 1984. Trois cents personnes y travaillent, et des agrandissements réalisés en 1998-2000 ont fait doubler sa capacité de production.
Le Port de Montréal a fait paraître cet été deux reportages qui donnent un aperçu des opérations actuelles de la raffinerie, permettant notamment de voir le déchargement d’un navire sucrier venu du Brésil :
Pour en savoir plus
Paul-André LINTEAU, Maisonneuve ou comment des promoteurs fabriquent une ville (1883-1918), Montréal, Boréal, 1981.
Luc NOPPEN, Du chemin du Roy à la rue Notre-Dame, Québec, Ministère des Transports, 2001.
Ministère de la Culture et des Communications, « Sucrerie Lantic », Répertoire du patrimoine culturel du Québec.