Poème de ville : Nâzim Hikmet à Moscou
En 1962, le grand poète turc Nâzim Hikmet avait 60 ans et vivait à Moscou, où il est mort en 1963.
Je me suis dépouillé de l’idée de la mort
j’ai revêtu les feuilles de juin des boulevards
celles de mai étaient tout de même
un peu trop jeunes pour moi
tout un été m’attend un été citadin
avec son bitume et ses pierres brûlantes
avec ses limonades fraîches ses glaces
ses salles de cinéma suantes
et ses acteurs de province à la voix puissante
avec ses taxis qui disparaissent les jours de grands matches
et dans les jardins de l’Ermitage
les arbres qui ont l’air en papier à la lumière des ampoules
avec peut-être des chansons du Mexique
et des tam-tam de Guinée
et avec des poèmes que je lis assis sur le balcon
et avec tes cheveux qui seront coupés un peu plus court
un été citadin m’attend
j’ai revêtu les feuilles de juin des boulevards
je me suis dépouillé de l’idée de la mort.
24 mai 1962
Traduit du turc par Munevver Andac et Guzine Dino